29 septembre 2022 Monsieur le Commissaire Enquêteur, L’Association CDROM est un groupe de réflexion et d’action de 70 navigateurs adhérents qui valorisent une navigation durable et qui s’attachent à préserver le patrimoine naturel du Bassin d’Arcachon. CDROM a participé de façon assidue et constructive à la création du Parc Naturel Marin du Bassin d’Arcachon. Dans le cadre du respect de son objet social, l’Association CDROM a compétence pour analyser le projet soumis à enquête publique et donner un avis notamment sur : - l’organisation de l’enquête publique
- la motivation du ré ensablement
- la zone du prélèvement
- l’impact du rehaussement du plancher de plage
- l’impact du dragage répétitif des fonds marins
- le financement des travaux
ORGANISATION DE L’ENQUÊTE PUBLIQUE Avant d’analyser le projet soumis à enquête publique, nous notons que le Parc Naturel Marin du Bassin d’Arcachon a été consulté en amont afin qu’il donne son accord pour instruire l’enquête publique. Cet ordonnancement permet d’assurer au public qu’il est consulté sur des projets apparemment respectueux des règles environnementales locales. L’organisation 2022 de l’enquête publique répond à cette requête exprimée par le CDROM en 2015 pour le projet décennal 2016-2026 du ré ensablement des plages de Pyla-sur-Mer. L’énorme dossier (794 pages) mis à la disposition du public en 2022 apporte une multitude de renseignements identitaires sur l’environnement maritime du Bassin d’Arcachon, sur les textes de loi en vigueur et sur les études d’impact rapportées par des spécialistes universitaires. Il nous semble assez bien présenté mais les propositions apportées par le demandeur d’ordre sont traitées superficiellement. MOTIVATION ET BUT DU RÉ ENSABLEMENT Le projet de réensablement de la plage serait motivé par le demandeur d’ordre, le SIBA, Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon, pour agrandir la largeur du plancher des plages, afin d’assurer le maintien des activités balnéaires, et de conforter la base des ouvrages de défense de côte (perrés). Activités balnéaires Ces activités concernent la baignade et la promenade. Or, sur un littoral soumis aux marnages, il est d’usage de vivre avec la marée : dans les zones asséchantes de l’intérieur du Bassin on se baigne à marée haute, et inversement, dans les zones où la plage est submergée à marée haute, comme le long du littoral du Cap-Ferret (entre Bélisaire et Piquey) ou de Pyla-sur-Mer, on profite de la plage quant elle découvre. Donc l’insuffisance ou l’absence de plage à marée haute ne peut être la condition suffisante pour justifier l’emploi de moyens lourds, pour autant un bulldozer qui va déstabiliser le substrat ou une drague qui va détruire les habitats de la faune et de la flore sous-marine. Le Bassin d’Arcachon, dont l’attrait touristique repose sur ses qualités de milieu naturel et la riche biodiversité, ne peut se permettre d’inclure des plages artificielles parmi ses littoraux les plus visités, sauf à sacrifier ses principaux atouts. Réensablement mécanique plage Arcachon-Eyrac. Le substrat non stabilisé repartira dans l'eau Consolidation du trait de côte Soumis aux forces des courants, des marées et de la houle, ce remblai non stabilisé naturellement, va redescendre le talus par gravité et, à terme, reviendra d’où il vient. Le ré ensablement ne se montre donc efficace pour consolider le trait de côte que pendant la durée de sa tenue, entre quelques mois et quelques années selon les conditions météorologiques et ne saurait en conséquence répondre de façon durable à la motivation du demandeur d’ordre qu’il a inscrite : « L’objectif du projet est de trouver une solution pour lutter contre l’érosion naturelle » (page 71/794 – Pièce 3.2 – 3.4.1). L’étude d’impact confirme le dysfonctionnement observé lors des campagnes précédentes de ré ensablement : « Les effets sur les zones de rechargement sont considérés comme positifs à court terme mais nuls à moyen terme » (page 85/794 – Pièce 3.2 - / Tableau 7). En fait, on constate une accélération de l’érosion des plages réensablées. IMPACT DU REHAUSSEMENT MÉCANIQUE DU PLANCHER DES PLAGES Le dossier d’enquête publique précise que le nivellement des sables apportés sera exécuté naturellement. Or la photo que nous fournissons page précédente montre une opération de nivellement mécanique du plancher de la plage d’Eyrac, commune d’Arcachon. Cette opération qui a lieu au moins chaque année consiste à faire remonter le sable prélevé en bas de l’estran découvert pendant une marée basse à fort coefficient l’aide d’un bulldozer. Le substrat qui n’est pas alors stabilisé naturellement, repart peu à peu dans l’eau à chaque marée, ce qui crée d’autres dysfonctionnements, tels que la turbidité ou le transport des sédiments dans l’eau vers des zones non souhaitées. Or justement en face de la plage d’Eyrac il a été repéré un herbier sous-marin de Zostère Marina qui résiste depuis plusieurs années (Figure 74, page 207/794), variété d’herbier protégé, utile et nécessaire à l’équilibre du biotope sous-marin du Bassin d’Arcachon. A terme, si les opérations qui déstabilisent le substrat sont poursuivies, l’herbier sera enseveli par les sédiments amenés à chaque marée et disparaitra. ZONE DU PRÉLÈVEMENT Le prélèvement, tel qu’il est prévu dans le dossier, consiste à draguer le flanc du Banc du Bernet. Il sera répété au moins tous les deux ans. Ceci va affaiblir considérablement le banc de sable et on peut s’inquiéter de la fragilité due à l’étroitesse de certaines zones. Le Banc du Bernet constitue un rempart naturel important contre la houle venant de l’océan qui est l’agresseur majeur du trait de côte. Or cette observation incite le demandeur d’ordre à prélever largement dans la zone nord où justement la nature renforce le rempart naturel. Pourquoi va-t-on contre nature alors que l’allongement du banc au nord ne crée pas de dysfonctionnement ? On ne va pas ignorer l’existant qui répond à une nécessité, à savoir, casser la houle venant de l’océan pour autant que le Banc du Bernet ne gêne ni la navigation, ni l’écoulement des importants volumes d’eau entre deux marées. La commodité de la proximité de la plage ne peut être l’argument privilégié qui justifie le prélèvement sur ce banc de sable. Prélever le sable sur le Banc du Bernet va fragiliser le rempart naturel et pourra à terme, créer un effet contraire au but recherché pour autant que le dérèglement climatique va entrainer la hausse du niveau de l’océan. IMPACT DU DRAGAGE RÉPÉTITIF DES FONDS MARINS Le Bassin d’Arcachon est considéré zone sensible, riche en biodiversité qui est protégée par des directives telles que Natura 2000 et le Parc Naturel Marin. Le dragage détruit indiscutablement les habitats de la flore et de la faune sous-marine. Après chaque opération, la nature a besoin de plusieurs années pour reconstituer sa faune et sa flore. Or, d’après le dossier d’enquête, les opérations de dragage sont prévues d’être répétées tous les deux ans. A ce rythme, il n’y a plus de possibilité de recolonisation du benthos et la biodiversité est alors irrémédiablement détruite. Le dossier confirme cette observation : « … faibles biomasses présentes sur les 2 flancs du banc du Bernet … » (Page 290/794 - Pièce 7.3.3.1.1.3.1). En 2 ans la biodiversité n’a pas le temps de se reconstruire. Les campagnes précédentes de dragages répétitifs pour ré engraisser les plages de Pyla-sur-Mer ont certainement contribué à l’effondrement de la richesse de la biodiversité du Sud-Bassin. FINANCEMENT DES TRAVAUX Pour la campagne 2016-2026 de réensablement des plages de Pyla-sur-Mer, l’association des riverains de Pyla-sur-Mer a provisionné un budget pour un réensablement massif à l’aide d’une drague. Or le dossier qui concerne le projet de réensablement des plages d’Arcachon et de Nord-Pyla pour la campagne 2022-2032 n’apporte pas le détail sur le financement des opérations. Est-ce que le contribuable du Nord-Bassin va participer au financement du réensablement des plages du Sud-Bassin ? En période de crise économique majeure, où les collectivités et leurs administrés sont déjà endettés ou ne peuvent plus s’engager dans des dépenses supplémentaires, il n’est pas logique que le demandeur d’ordre propose des travaux pour une durée de 10 ans et dont l’estimation du coût est nécessairement très incertaine. N’y a-t-il pas des alternatives aux dragages systématiques ? CONTRIBUTIONS Réhabilitation des anciens épis et propositions de création de nouveaux épis Les épis de plage retiennent le sable et consolident naturellement le trait de côte Cette photo montre le rôle des épis sur une plage de sable. Ils retiennent et accumulent en douceur le sable qui a été remué par les vagues et transporté par les courants. La largeur de la plage dépend de la longueur et de la hauteur de l’ouvrage. Il est donc possible de réensabler la plage sans agresser l’environnement. Ce procédé a l’avantage de former un substrat naturellement compacté qui ne redescendra pas de sitôt. Ce simple aménagement durable et peu coûteux peut satisfaire les inconditionnels de la plage. Il suffit peut-être d’en revoir les dimensions ou les dispositions. Le choix du demandeur d’ordre qui privilégie l’apport de sédiments et exclut des aménagements de protection de type brise-lame ou épis nous parait arbitraire (Page 95/794 – Pièce 3-2 / 7-1). CONCLUSION L’Association des Navigateurs de Plaisance CDROM ne s’oppose pas au réensablement de la plage ni au renforcement du trait de côte dès le moment où ils paraissent nécessaires. Le projet soumis à enquête publique n’est que la répétition de ce que subit le Bassin d’Arcachon depuis de nombreuses années. Mais pendant ce temps, et grâce notamment à la vulgarisation de la connaissance scientifique, les réflexions et comportements des usagers ont évolué en faveur du respect du rôle important de la nature qui nous entoure. Il est donc logique que les demandeurs d’ordre doivent proposer des alternatives aux procédés agressifs. Aujourd’hui, pour que l’homme puisse assurer son confort et son bien-être, il doit cesser d’agresser la nature, mais plutôt mettre à profit les progrès des connaissances pour orienter à son avantage les processus naturels. Le touriste, reviendra-t-il s’il apprend que pour assurer son confort sur la plage, on détruit chaque année le biotope spécifique au Bassin d’Arcachon ? Le projet 2022-2032 pour le réensablement des plages d’Arcachon et de Nord-Pyla n’est que la copie des campagnes précédentes. Aucune amélioration majeure n’est proposée. L’Association des Navigateurs de Plaisance CDROM demande que soient proposées des alternatives plus respectueuses de l’environnement que le dragage et moins coûteuses pour le riverain. Pour assurer le maintien naturel et durable du plancher des plages d’Arcachon, il serait utile et nécessaire de ne plus utiliser régulièrement des engins mécaniques mais d’implanter des épis ainsi que des brises lames afin d’intégrer les effets d’un accroissement de la fréquence des évènements extrêmes dus au dérèglement climatique, surcote de marée, tempêtes … A défaut de ces alternatives, Monsieur le Commissaire enquêteur, nous vous demandons de donner un avis négatif au projet de ré ensablement des plages tel qu’il est présenté. Pour l’Association des Navigateurs de Plaisance CDROM : Pierre CONTRÉ Gilbert ROUX Gilbert LANDREAU Jean-Louis HUSSON Président Trésorier Administrateur Administrateur |